Chroniques de l'ancienne République -Chapitre II-

Bien loin des préoccupations de Dame la Guerre et de ses affres destructrices, les créatures des sous-bois jouissaient d’une fin d’après-midi calme. Un léger vent faisait vibrer les branches des arbres et caressait avec douceur leurs chevelures feuillues de ses doigts éthérés tandis qu’un ruisseau d’à peine quatre pouces de profondeur se lovait tranquillement dans son lit, arpentant entre les hauts conifères d‘un chant cristallin.

Le tableau qui se peignait là reflétait une telle sérénité qu’aucun artiste ne réussirait, qu’importe la qualité de ses gestes, à en capter au travers sa toile la profonde solennité. Mais ce fragile canevas ne tarda pas à se déchirer. Des troopers, dans une fuite chaotique, surgirent de nulle part, piétinant mousses et fleurs, traversant les fourrés, enjambant le faible cours d’eau pour se ruer vers un hypothétique refuge d’un horizon boisé. Le silence d’il y a peu fut chassé, vulgaire gibier auditif, par le cri des hommes : Râles d’agonie et de peur se mêlaient aux encouragements et aux ordres aboyés ; le bruit des bottes marquait le rythme d’une allure effrénée et, au loin, se rapprochant, les tirs ennemis fusaient.

En effet, l’armée impériale rentra à son tour dans la forêt et si les républicains, de part leurs armures aux nuances blanches, rappelaient l’écume des vagues, le flot incessant d’impériaux avec leurs uniformes vert-de-gris en devenaient une marée noire. Par centaines, ils accouraient sous les ombres des arbres, violant par leur unique présence le sanctuaire de quiétude; par centaines, ils affluaient à la poursuite des fuyards déversant par la bouche de leurs armes des rafales de feu écarlate qui parfois touchaient au but. Le soldat malchanceux s’écroulait alors sur le sol, l’humus pour seul linceul et, en guise de suaire, une mousse tendre qui garderait à jamais l’empreinte du défunt sur sa surface spongieuse.

Bien sur, quelques troopers tentaient de répliquer mais à peine l’un d’eux tentait-il de se tourner pour ajuster un semblant de tir que la nuée impériale le rattrapait et fondait sur lui.

Non, Jackon le savait bien. Si espoir il y avait, il résidait par delà la forêt, en contrebas d’un dénivellement rocailleux, dans une cité en ruine qui leur permettrait de se mettre à couvert et de se réorganiser. Mais pour atteindre cet abri, ils se devaient de distancer leurs ennemis car, une fois l’orée du bois dépassée, ils n’auraient plus rien pour les couvrir et les impériaux auraient tout loisir à ajuster leurs tirs.

Et là, dans l’état actuel, trop peu de distance séparait les deux camps.

Cherchant une solution à mesure que se rapprochait l’échéance, c’est-à-dire la lisière se dévoilant peu à peu au loin, Jackon posa son regard sur ses comparses l’entourant. Ed’, bien sur mais aussi Dean, Fabrisio et Shey‘.

-Grenades de soutien en deux rideaux hurla t'il


Ces derniers acquiescèrent du chef tout en portant les mains aux projectiles explosifs accrochés à leur ceinture. Puis, comme un seul homme démontrant toute la discipline de la 401ème compagnie, Jackon, Dean et Shey’ se tournèrent, dégoupillèrent et lancèrent à l’unisson leurs engins sur les premières lignes ennemis.

Une…

Aussitôt, tandis que les ripostes se firent, un des tirs frôla même le soldat Dean, les trois troopers reprirent leur fuite.

Deux…

Le rempart forestier commençait à laisser passer par ses branchages la lumière du jour. Le bout du tunnel ombragé par les hauts conifères semblait bientôt venir, redonnant vigueur aux jambes lourdes des républicains.

Trois…

Les grenades explosèrent. Les trois déflagrations se mêlèrent les unes aux autres dans un feu d’artifice de cris de sang et d’écorces. Des hommes et des arbres tombèrent et le feu accompagna de sa voix crépitante l’effet de surprise et l’aura de peur ainsi suscité.

Ce fut alors au tour de Fabrisio et d’Ed’ d’entrer dans la danse. Ils en connaissaient la chorégraphie et bientôt, deux nouvelles explosions cueillirent les poursuivants, créant l’écart salutaire pour la sortie des bois imminente.

Une enjambée, une seconde et enfin, ils franchirent le rideau boisé. Sans la tonnelle de feuilles, la lumière était plus vive et leur fit plisser les yeux mais ils s’en accommodèrent rapidement. L’espoir a de cela de bon qu’il vous remplit le cœur de douces promesses et atténue les blessures de la vie.

Et c’était bel et bien le cas des naufragés républicains. Là, à quelques mètres maintenant, la pente, bien qu’abrupte et glissante du fait des cailloux en parsemant le dénivelé, s’offrait à leur regard et ensuite, la sécurité des ruines, prête à assister de ses murs et de ses tours les rescapés.

-Allez, encore un effort, nous y sommes presque, cria Jackon à l’attention de ses hommes, une bonne dizaine sortant des sous bois.

Mais tandis qu’il se tournait pour hurler ses encouragements, le son caractéristique d’un engin volant se fit entendre, suivi d’un second, puis d’un troisième et ce fut bientôt toute une myriade de vaisseaux qui attendaient au dessus de l’escarpement. Leurs portes latérales ouvertes, des soldats impériaux les tenaient en ligne de mire, prêts à faire feu aux moindres mouvements de fuite.

L’accablement et le désarroi chassèrent bien vite l’étincelle d’espoir qui, il y a peu, emplissait l’esprit des troopers: Ils étaient pris au piège, encerclés comme de faisans que l’on avait habilement rabattu à l’endroit voulu.

Il voulut crier à ses hommes de lutter, qu’il valait mieux mourir libre que vivre asservi mais l’un des impériaux sortant des bois se précipita sur lui et lui asséna un coup de crosse.

L’obscurité de l’inconscience l’enlaça de nouveau…

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