Journal des développeurs : "La communauté : le troisième élément"
On peut lire sur internet les craintes de joueurs que SW:TOR ne soit très axé solo et très orienté thème park (assisté, dirigiste). Bien qu'avec les informations actuelles il est difficile d'affirmer si cela sera en effet le cas ou non.
L'actualité SW:TOR de ce vendredi va sans doute créer des débats et remettre en questions ces craintes.
Cette semaine Damion Schubert, le concepteur de systèmes en chef, parle de la conception des systèmes d'un MMORPG. Les MMO seraient partagés entre deux philosophies : celle du monde et celle du jeu. Mais un 3ème élément a son importance : la communauté. On notera également qu'il est questions d'avoir prochainement plus d'informations sur des points jusqu'ici peu abordés, comme l'artisanat.
Lisez donc ci-dessous ce très intéressant article sur la conception d'un MMO.
Les jeux massivement multijoueur ne sont pas nouveaux. Le premier véritable jeu massivement multijoueur était un monde virtuel reposant uniquement sur des descriptions textuelles appelé MUD, créé par Richard Bartle et Roy Trubshaw en 1978. Cette petite fenêtre et ses descriptions qui faisaient mal aux yeux n'avaient visuellement rien à voir avec les mondes virtuels luxuriants que la 3D nous propose aujourd'hui, mais ça a suffi. Ça a suffi pour lancer le genre et pour inciter les concepteurs du monde entier à imaginer des possibilités et à débattre des aspects philosophiques de la conception des jeux. Une de ces questions, que l'on se pose encore aujourd'hui, est de savoir si les environnements massivement multijoueur doivent se définir comme des jeux ou des mondes.
Les partisans de la philosophie du monde voient l'espace comme une simulation ou un bac à sable. Les adeptes de cette approche insistent avant tout sur la liberté et le réalisme : les joueurs peuvent user et abuser de presque tout ce qui les entoure, y compris des autres joueurs. Dans le "monde" MMO, une large gamme d'actions s'offre aux joueurs, la plupart d'entre elles ayant relativement peu de profondeur. La profondeur du monde MMO repose sur les interactions : les joueurs sont invités à explorer le monde et à trouver leur propre amusement. Le monde MMO rejette les contraintes artificielles comme les classes ou les conditions de niveau.
La philosophie du jeu est bien sûr tout le contraire. Les partisans de cette approche insistent avant tout sur le divertissement et l'équilibre. Le jeu MMO est souvent décrit comme un parc à thème dans un monde virtuel : l'activité du joueur y est étroitement contrôlée, afin de s'assurer qu'il aura une expérience de combat divertissante, équilibrée et intéressante, et la plupart du temps sans nuire aux autres joueurs. Le jeu MMO n'a aucun problème à introduire des règles arbitraires pour proposer une expérience de jeu intense et viscérale. Les joueurs peuvent faire moins d'actions, mais ces actions ont plus de profondeur (comme un jeu de combat plus profond et plus équilibré).
Je travaille depuis longtemps dans le domaine des MUD et des MMO et à force d'en concevoir, j'en suis venu à la conclusion que ces deux extrêmes posent de sérieux problèmes de conception. Les mondes offrent une grande liberté, mais cette liberté a un prix : ils ont tendance à être durs et offrent peu de choses au nouveau joueur en termes d'objectifs et de directions. Beaucoup de joueurs sont submergés par la liberté ou ne parviennent pas à s'amuser. Un monde est souvent façonné par les gens qui y sont passés avant vous, et cette dépendance vis-à-vis du hasard rend les concepteurs nerveux.
De leur côté, les jeux purs ont eux aussi leurs problèmes. La liberté est un élément fondamental de la magie des MMO et les contraintes artificielles ainsi que les mécanismes nuisent à la fiction et au sentiment de vivre dans un monde virtuel. Quand on travaille sur une franchise offrant une richesse et une texture comme celles de Star WarsTM, la dernière chose qu'on veuille, c'est de les gâcher. Pire encore, la profondeur et la splendeur visuelle de Star WarsTM: The Old Republic disparaîtraient complètement si les joueurs ne pouvaient pas sortir des sentiers battus et vivre dans l'espace de temps en temps.
J'ai toujours défendu la modération et je pense qu'avec The Old Republic on a trouvé un équilibre, un juste milieu qui réunit les points forts des deux philosophies : offrir une expérience de jeu dirigée et équilibrée dans un monde Star Wars vivant et luxuriant.
Mais je crois également que le débat jeu contre monde oublie un troisième élément : la communauté.
La communauté correspond à l'idée folle selon laquelle les jeux massivement multijoueur sont plus intéressants quand les autres joueurs comptent. Les partisans de ce point de vue aiment avant tout la compétition et la coopération. Les joueurs intéressés par la communauté veulent pouvoir interagir avec d'autres joueurs et les rencontrer. Ils partagent les idéaux d'autres écoles de pensées : les joueurs intéressés pas la communauté accordent une grande importance à l'équilibre et à l'équité, mais ils recherchent aussi la liberté pour pouvoir s'exprimer et interagir avec les autres.
À mes yeux de concepteur de MMO, la communauté est la clé de tout. Honnêtement, si vous vouliez simplement jouer à un "jeu", vous choisiriez un jeu de rôle solo. Si vous recherchiez un "monde", vous opteriez peut-être pour un jeu de simulation de vie. Mais la communauté, c'est le cœur de l'aspect "massivement multijoueur" du MMO. Quand on regarde les choses sous cet angle, la "communauté" est au moins aussi importante que les notions de "jeu" ou de "monde" dans ce débat.
Et peut-être même plus.
Regardez notre système de dialogue multijoueur. The Old Republic est en tout point un MMO, mais si un joueur le souhaite, il peut parfaitement jouer en solo tout au long du jeu jusqu'au dernier niveau. Il passera à côté d'un contenu exceptionnel, mais on ne veut pas que les joueurs se sentent obligés de se regrouper. Ce que nous voulons, c'est qu'ils en aient envie. Ce principe nous a donné l'occasion de faire de nombreuses expériences et nous a entraînés sur plusieurs pistes fructueuses. Les conversations multijoueur, dans lesquelles les joueurs se battent pour répondre, ont donné lieu à des situations drôles (et parfois cocasses) lors des tests (et non, un autre joueur ne peut pas modifier votre score du côté obscur avec sa réponse). Mais les récompenses extrinsèques ne nous suffisent pas. Nous testons de nouvelles récompenses qui peuvent être débloquées en aidant d'autres membres du groupe à atteindre leurs objectifs de classe, et en général nous sommes plutôt satisfaits du résultat.
La confection est un autre domaine dans lequel nous avons beaucoup parlé de communauté. L'équipe de conception des systèmes ne se satisfait pas des systèmes de confection que nous connaissons, dans lesquels de nombreux artisans ne travaillent que dans leur intérêt. Nous avons beaucoup débattu sur la façon dont nous pourrions faire en sorte que les artisans, les véritables artisans dévoués, se fassent un nom et occupent un rôle important dans leur communauté. Mais ce débat fera l'objet d'une autre lettre.
En fait, vous entendrez sans doute plus parler des autres concepteurs de systèmes et de moi-même dans les prochains mois, lorsque nous serons plus en mesure de vous parler des systèmes et des fonctionnalités qui sous-tendent le jeu. Comme je vous l'ai déjà dit, The Old Republic est un MMO, et ce sont ces systèmes et ces fonctionnalités qui permettent d'appuyer ce fait. Préparez-vous à entendre beaucoup de théories sur la conception ! Vous verrez un thème commun à toutes ces théories émerger : nous nous demandons sans cesse si telle fonctionnalité est meilleure parce qu'elle profite aux autres joueurs et à la communauté.
Damion Schubert
Concepteur de systèmes en chef
963 joliens y jouent, 2404 y ont joué.
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2 mai 2024
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