Chroniques de l'ancienne République -Chapitre VI-
La pluie qui battait sans relâche les terres s’estompa enfin, une éclaircie en perça même la masse nuageuse et colora alors le ciel de pourpres et d’orangés. Le soleil incendiait dans une ultime tentative les cieux, rappelant sa chaude existence à des hommes blasés de l’humidité. Peut être était-ce là un signe évocateur du sang qui ne tarderait pas à être versé.
Du moins, c’était ce que pensait l’agent Suny en regardant par la fenêtre du dortoir. Situé au second étage, le premier étant réservé à la gente masculine, la pièce contenait quatre lits simples, autant d’armoires de rangements et une salle de bain. D’ordinaire bien ordonné, la pièce semblait avoir subi la fureur d’un ouragan, le vent balayant par un souffle puissant le contenu d’une armoire au sol, y déversant ci sous vêtements, pantalons et bustiers, là produits de toilette et souvenirs personnels. Un matelas gisait sur le côté, éventré. Il avait été déchiré dans sa longueur et déversait, de par cette plaie de tissu, ses entrailles ouatées à la vue de son unique témoin : L’agent Suny, investigatrice de ce désordre. En effet, par une lame effilée, elle avait perpétué le massacre de son lit pour extirper de ce corps inerte -qui d’ordinaire la blottissait contre elle et la guidait, la nuit venue, vers le pays des songes- un fusil-blaster X-45, arme de prédilection des snipers.
Et maintenant, attendant près de la fenêtre les premiers signes de l’attaque, l’espionne patientait. Adossée au mur, l’arme maintenue entre ses genoux, elle respirait doucement, yeux clos, tête basse. Se laissant aspirer par l’accalmie avant l’orage, elle glissa hors du temps, s’échappa du bulbe aux tombées de sables immuables. Les secondes et les minutes s’écoulèrent doucement. Elle resta ainsi longuement quand, soudain, un vrombissement la ramena dans la réalité.
Toujours à couvert derrière la fenêtre, elle jeta un œil à l’extérieur et fut surprise d’assister à l’atterrissage d’un appareil républicain : Un Stinger S-100. D’une longueur de 11 mètres, l’oiseau de duracier qui se posait sous ses yeux, à proximité du hangar, était reconnaissable à ses deux longues ailes verticales pourvues de canons-lasers, serres à la dangerosité relative à qui savait piloter l’engin.
Aussitôt, des soldas vinrent à sa rencontre et attendirent que s’ouvre le sas. Telles les pétales et sépales d’une fleur sauvage, la double porte s’ouvrit pour en faire découvrir son cœur aux misérables insectes entourant le bouton éclos.
Le premier à poser pied à terre fut un Miralian. Une bure beige au col et ourlets de manches virant sur l’acajou l’enlaçait dans la sobriété de son tissu tandis qu’une large ceinture lui serrait les hanches et exhibait, dans un mouvement de balancier au rythme de ses pas, le pommeau d’un sabre laser.
Un Jedi, souffla Suny.
Allant souvent par paires, l’agent impérial ne fut guère surprise de voir venir à la suite du visiteur à la peau de jade un second Jedi, humain cette fois-ci.
Prenant son arme en main, la demoiselle mit en ligne de mire l’humain. La croix rouge cerclait son torse et marquait ainsi le jedi à son insu de l’empreinte de la mort. Une simple flexion de doigt, de cet index maintenu en extension et il en serait fini de sa misérable vie.
Soudain, l’alarme retentit. C’était une longue sonnerie montant crescendo dans les aigus pour s’atténuer peu à peu avant, qu’une seconde fois, le cri ne reprenne de plus belle.
Levant le nez de sa lunette, Suny fixa l’horizon et vit une nuée de vaisseaux impériaux dans le lointain. Aussitôt, les canons de défense se braquèrent et orientèrent leurs crachoirs de mort dans la direction de l’attaque.
Décidée à profiter de la diversion pour abattre l’un des nouveaux venus, l’agent double replongea son œil dans le monocle…en vain, le Jedi avait disparu.
Merde vociféra-t-elle en ses dents.
Guère le temps de s’apitoyer sur sa langueur de réaction, déjà les échanges fusaient de tout part. Les canons ioniques lâchaient de longues trainées azurées vers le soleil couchant tandis que les appareils de l’Empire crachaient des salves rougeâtres, rappelant les couleurs qui en teintaient le ciel. En contrebas, les soldats Républicains couraient en tout sens tels des insectes affolés par la venue d’enfants espiègles pressés de piétiner leur nid. Puis les charges clairsemant le campement donnèrent de leurs voix. Ci l’infirmerie, là le dépôt d’armes ou encore le réfectoire, plusieurs bâtiments explosèrent, les édifices adjacents en tremblèrent tandis des débris incandescents s’élevaient dans les airs. Les cris de surprise, de rage et de peur répondirent à la chorale de feu.
Suny, elle souriait, consciente de ce qui allait suivre.
En effet, parfaitement synchronisé, le virus en profita pour ouvrir les vannes et déverser son poison numérique dans les défenses robotisées. Les canons, jusqu’alors en chasse des rapaces de duracier qui envahissaient le ciel, se désactivèrent et retrouvèrent leurs postures de naguère, inertes sur leurs socles. Les portes des hangars par lesquelles commençaient à sortir les appareils républicains se fermèrent et emprisonnèrent l’artillerie aérienne en son sein.
Le chaos était total et, à la lueur des flammes, des tirs écarlates, Suny souriait toujours. Car elle aussi participait à l’anéantissement des ennemis de l’Empereur. Chaque cible qu’elle prenait finissait à terre, un trou fumant en guise de signature. Là, un soldat en pleine course, ici un de ses anciens collègues, spécialisé en informatique et qui cherchait surement un endroit où se terrer,…
Il ne faisait aucun doute sur l’issue de la bataille et déjà se profilait les perspectives d’avenir pour l’agent Suny. Elle se voyait promue, sortir de l’ombre pour endosser des responsabilités à la mesure de ses compétences. Elle s’imaginait triomphante car l’Empire portait aux nues la réussite, tout comme il exécrait l’échec.
Il y avait bien le vaisseau jedi qui s’égosillait dans les cieux en compagnie des quelques rares appareils ayant réussis à sortir avant que ne se ferment les sas des hangars mais que pouvaient-ils face à un essaim impérial. Rien. Ils avaient beau faire preuve de disciple, de cohésion, rien ne ferait échouer la mission, sa mission !
La jeune femme contempla l’effervescence aérienne, admirant l’habileté de ses frères d’armes et la chance insensée des républicains quand, par intuition, elle baissa le regard vers l’un des hangars. Là, trois soldats s’étaient rassemblés. Les deux premiers, genoux à terre, couvraient le dernier qui s’activait, quant à lui, à l’activation des portes. Il en avait déjà démonté le boitier. Des fils rouges et bleus en sortaient, viscères électroniques du système défunt.
-Je vais m’occuper de toi, mon chou, marmonna-t-elle tout en ajustant la crosse de l’arme à son épaule.
Elle cadra, s’apprêta à tirer quand son instinct lui fit lever la tête. Fumant, un chasseur impérial tourbillonnait sur lui-même tout en filant vers le sol. La nuée grisâtre dessinait une spirale volatile à la suite des réacteurs. Touché, le pilote semblait en avoir perdu le contrôle et l’endroit de l’impact, du crash qui allait suivre ne faisait aucun doute.
Lâchant son fusil, Suny se précipita vers le fond de la pièce, agrippa le matelas éventré tout en plongeant à l’abri.
Le vaisseau percuta le bâtiment de plein fouet, faisant trembler les fondations, des pans de murs s’écroulèrent. Une nappe poussiéreuse s’éleva dans les airs et enveloppa la scène de l’accident d’un voile opaque, linceul de terre recouvrant l’accident.
De sa tombe, Suny ne pouvait voir la suite des événements : Comme les appareils républicains qui alliaient intrépidité et résolution, maîtrise et savoir faire malgré leur sous-nombre ; comme le technicien, inconscient d’avoir échappé au baiser de la mort, qui termina la passerelle électronique et shunta l’ouverture des hangars, permettant alors par ses connaissances des systèmes à la nuée d’oiseaux de duracier de prendre leur envol ; comme ce jedi, le Miralian à la bure crémeuse, qui, à l’écart, méditait pour y côtoyer la force, s’en imprégner et insuffler ainsi aux troupes sur le sol et dans les cieux, à son apprenti au commande du Stinger, le courage d’y croire, la détermination d’une victoire possible. Cet espoir agissait telle une onde de choc dont l’épicentre était le chevalier jedi. Elle se propageait, bienfaitrice, et galvanisait les hommes de sa puissance, se diffusait tel un encens chassant l'aigreur d'une odeur de défaite sur la scène des combats.
Et alors, le bras de la République reprit son destin en main.
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